Les crapauds.

Cependant qu’elle surveillait les clients,
Wispra l’écoutait d’une oreille distraite…

Oeil en trou de bite,
bave aux lèvres…
Le cramoisi du pif
le disputait
au rubescent du visage :
le byker était reparti
dans ses souvenirs.
– De midi à cinq heures du matin fieu…
Boire, mais boire !
J’étais pété !
Au ouiski fieu…
Que du ouiski…
Malade !…
pour rentrer chez moi,
deux cent cinquante km pour en faire trente-deux…
Je n’avais pas de carte
je tournais en rond !
arrivé
la Loire avait débordé
des crapauds,
des milliers de crapauds…
Il me lègue une plantation de vetiver à Haïti
Mais des crapauds !
Des centaines quoi !
Il en sortait de partout…
J’avais ma maison juste au-dessus de l’eau…
Cinquante centimètres.
Puis j’ai dormi fieu !
Et moi je lui avais donné mon van,
ma moto Guzzi et tout l’barda…
Et qu’est ce que j’apprends à ce moment là ?…
Coup d’état en Haïti !
J’avais plus rien !
La plantation de vétiver…
Schnole !
Quéquette !…
Plus un balle !…
Et le gars s’était déjà taillé.
Quand la Loire est descendue
j’ai revendu la maison.
J’ai tout bu.
Et sinon, tu connais la différence entre la jeunesse et la vieillesse ?
hé bien… La première a quatre membres souples et un raide;
la seconde a quatre membres…
T’as compris ?
Ha ? tu la connaissais ?
Elle est bonne hein ?.

Wispra !?
La même, dis !


– Pourquoi les catogans doivent-ils toujours être gris jaunâtre ?
Pensa-t-elle.

Cela aura fait couler beaucoup d’encre.


(Copyright:Laurent Doucet).

Reeves,
Werber,
Maeda,
Hollis,
Orwell,
Huberman
ou Martens…
En éprouvette d’encre,
il fallait y penser…
– M’en vais distiller Balzac…
Devrait bien y avoir un demi litre !
se dit-il.

Crever la pénombre infinie. (Hémisphère sud…)




Posées là
sur de méchantes chaises
sans un bruit
quatre paires d’yeux
à s’en faire péter la rétine
scrutent le clignotement infime
d’une nuit étoilée à Lukafu.

Si mes calculs sont bons…

Bien sûr vous deviez vous en douter,
ce long silence des vacances, cachait quelque chose !
(Dame ! Depuis le temps qu’on se connait !)
La raison en était simple,
pourtant…
Foin des vacances !
J’ai planché,
tout l’été,
sur une nouvelle machine…
Une sorte de Lulucoptère revisité…
Un engin permettant de voyager dans le temps !
Pour l’instant je n’en suis qu’aux essais…
Là, je règle sur l’an 3.150 ap. J.C.
vers onze heures du matin…
(à la louche !)
pour voir…
Avec un peu de chance
ce sera l’heure
de l’apéro
(si les choses n’ont pas bougé).
J’y vais,
je reviens et
je vous raconte.
Quoi ?
Une combinaison spéciale ?
Nan, pas besoin !
En principe c’est l’été !
.

Le « Lulu-temps-coptère ».

(Aline Burton, ph. de A. Moons).

L’humilité est la première chose que tu apprends dès le début… (V).

Matin !
Quelque chose s’est tordu dans la carcasse ;
impossible de se relever.
Il amorce doucement un tour sur lui-même
prudemment se retrouve sur le ventre
et amorce un lent demi-tour,
à plat,
vers la sortie,
doucement…
Maudissant la largeur de cette tente.
Le zip de la fermeture éclair tiré sans bruit
il n’ouvre que le bas,
(plus haut impossible.)
Les lombaires lui scient le dos
Se repte, péniblement, au travers de l’ouverture
La toile se distend pour laisser place à la tête
puis les épaules passent,
le reste du corps avec ;
la rosée lui mouille le ventre.
– c’est un garçon se dit-il en lui-même, comme pour dédramatiser.
La canadienne vient d’accoucher d’un charmant bambin d’un mètre quatre-vingt.
Un peu gauche, c’est vrai.
Il ramène ses genoux sous lui
puis se redresse à quatre pattes
et marche,
toujours dans la même position,
vers l’arbre le plus proche,
distant de cinq longs mètres.
Son vélo y est adossé.

Prendre cet arbre,
le considerer,
s’y appuyer,
remonter le long de son tronc,
s’aidant des mains,
tout doucement,
tromper cette ceinture de douleurs ;
enfin,
épuisé,
dans la position qui caractérise tout bipède normalement constitué,
hébété,
il reste un long temps contre le platane,
« son » platane désormais.
Considère les alentours,
la brume sur les champs ;
belle, la brume.
La pâle lueur du soleil ;
pâle, le soleil.
Le silence et sa fraîcheur.
Froid.
Il contourne le tronc à pas de sioux,
défait le cadenas
restant droit,
poliment,
puis,
tenant le guidon et s’appuyant sur la selle,
se met en devoir de faire le tour du camping d’un pas de sénateur,
le regard bloqué vers l’horizon…
Se félicitant de toujours se lever tôt…
Il est cinq heures moins le quart…
Tout est calme,
endormi…
Pas de témoin !
La roue-libre du bexon,
guillerette,
produit son petit son de roulement à bille.
Contente.
Quelques graviers craquent et croquent sous ses pas,
une feuille morte de sa tige joue crécelle
un instant dans les rayons
puis abandonne,
voyant que ça ne fait pas rire.
Le dos se soulage…
Se redresse peu à peu.


Se demande comment il fera les quatre-vingt kilomètres de la journée dans cet état.

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