Archive for the 'rapport au sol' Category

Le goûter est servi.


Frottements du crayon
Seul
les traits ressemblent
le papier freine légèrement
bruit sec et mat du Caran d’Ache
touchant le plancher
(comme voulant revenir aux origines )
cassée la mine
… Or les Oncles parlaient bas à ma mère. Ils avaient attaché leur cheval à la porte. Et la Maison durait, sous les arbres à plumes.

l’oncle Edgar avec son Parkinson
vieil homme tremblotant
hagard comme un pouding,
perd pas une miette de la conversation
de la tarte au sucre non plus
assis par terre il fait une maison,
sa maison, là bas

Et les hommes remuaient plus d’ombre avec une bouche plus grave, les femmes plus de songe avec des bras plus lents.
tournant le dos au monde des grands
avec cette odeur
… Odeur de vieux,
lait caillé frais à l’identique du cou des bébés
il sucre les fraises depuis longtemps le tonton
racrapoté dans « son » fauteuil
le papa à côté de la maison
… Et je n’ai pas connu toutes Leurs voix, et je n’ai pas connu toutes les femmes, tous les hommes qui servaient dans la haute demeure
de bois ; mais pour longtemps encore j’ai mémoire
des faces insonores, couleur de papaye et d’ennui, qui s’arrêtaient derrière nos chaises comme des astres morts.

la maman dans le jardin aussi
… Ou de propre vieux ?
dans sa bulle
bribes éparses
bruit du papier qui se froisse sous la gomme
les grands mangent
du bleu se dit-il
et boivent le café dont l’odeur…
On a sorti la porcelaine
… Héritage
Pense aux cowboys
endimanchés
et puis l’arbre,
« mon arbre ! » dira-t-il péremptoire, plus tard
bien plus tard
… Long après-midi de goûter
au pays
– Regardez comme il est calme
il est toujours comme ça.
Le retour est pour bientôt
Enfanter la soeur là bas
la seconde
dans l’autre pays
Et une très petite sœur était morte : j’avais eu, qui sent bon, son cercueil d’acajou entre les glaces de trois chambres. Et il ne fallait pas tuer l’oiseau-mouche d’un caillou…
la première il ne le sut que plus tard
bien plus tard aussi
qu’elle ne vécu pas.

Les extraits en gras sont dans « Pour Fêter Une Enfance » de Saint-John-Perse :
si vous voulez déguster le texte cliquez
ici

Petite pensée pour Olivier S. qui m’avait envoyé,
à la suite d’une conversation,
il y a quelques mois,
« Palmes »…
Qui devrait aboutir à…
Mais plus tard…
Vous connaissez mon art du teasing.

Moi l’noeud !

– Tu es folle à lier de t’emmouracher d’un homme aussi agé !
lui avait dit sa mère, ce à quoi elle avait répondu du tac au tac:
– Tu ne crois pas si bien dire, je suis très attachée à monsieur Tanuki !
peu à peu des petits liens affectifs s’étaient noués dans leur relation.
Anciennement préposé à la vente dans une chaîne de saucissons célèbres,
en autodidacte, dans des livres reliés, il s’était intéressé au kinbaku
Depuis qu’il l’avait initiée aux secrets du shibari,
dans cette relation,
se tissait une trame amoureuse loin des clichés…
A coup de petits noeuds.
Désormais, c’est trois fois par semaine
qu’elle venait se faire « dessiner » à la corde,
et elle lui avait promis
aujourd’hui
de faire le « petit oiseau » .

– Noeud vas pas le dire à ta mère plaisanta-t-il
avec son humour reconnaissable entre mille
. . .
Elle était bien avec monsieur Tanuki.

La fille formica.


Assise sur la chaise jambes ramassées entre les bras, elle les tient comme elle aimerait qu’on la tienne aussi, embrassée. Elle va et vient d’avant en arrière, se balance comme quand on s’ennuie, mais ne s’ennuie pas.
Les parents sortis, laissée là avec ses fantômes, elle a fui son lit et s’est parquée dans la cuisine. Elle berce la peur tapie dans sa glotte pour l’amadouer, car elle sait qu’elle en a pour la nuit.

Le linoléum noir strié de bavures est comme une mer à naufrages sous son île en formica bleu lavé et elle jure de ne pas y lâcher un pied au risque d’être happée par Eux. Rassemblés du monde entier devant la porte cochère, juste derrière tout près, tout prêts à bondir ou à se glisser en masse fluide par les fentes et les trous. Leurs visages sortent d’une flaque entre les marbrures du sol, en dessous de son radeau.
Ses yeux brûlent à force de chercher à les voir et un amas de fourmis narcose ses mains pétrifiées entre cuisses et mollets.

Le réfrigérateur impavide pousse sa turbine, elle sursaute quand il s’interrompt pour redoubler de puissance. Mais quand le ronron lancinant revient, les battements dans sa poitrine s’infléchissent aussi.
C’est dans la cuisine sous le néon clinique, à côté du buffet froid qu’elle se tiédit un peu, éraflée d’éclairs de maison pleine. La pile de calcaire résonne encore d’eaux clapotantes, le fourneau à l’air benoît promet des lendemains de cuisson, et le souvenir de plats entrechoqués et de placards visités s’accroche à un relent beurré qui lui vient aux narines, par intermittences.

Mais elle est froide de sueurs à nouveau, son cœur bat la chamade précipitant des tampons douloureux à ses tympans dans un raffut de grosse caisse. Elle donnerait sa boite à bijoux entière avec tous ses étages pour qu’à la place, les batteries de cuisine se mettent à teinter entre les mains maternelles !
Elle souffle sa trouille par les petits naseaux au sommet des genoux, un triangle chaud de savon et de lait lui revient comme une brioche. Elle recommence, minute après minute, et encore, sa berceuse autiste.
Les heures passent …
Se balancent…
Se balance d’avant en arrière sur la chaise en formica, la fille.

Soudain, des clefs dans la porte la font bondir, elle est déjà partie, au fond du couloir, vibrante, se jeter sur son lit pour inventer un lourd sommeil. Des bribes de mots parviennent à ses oreilles, l’ombre d’une tête connue passe dans l’entrebâillement de la porte. La chanson des voix amies tant attendue a pour de bon liquidé tous les monstres en quelques secondes.

Dans la maison remplie comme un bel œuf, sous l’édredon douillet retrouvé à la hâte, les petits fluides vitaux s’acheminent partout dans le corps éprouvé, mains tordues, pieds glacés, tête calebasse, nez bouché, yeux crevés, oreilles troussées, ventre aux couleuvres, poumons flétris, peau de dinosaure, cœur au bord du vertige, et un sommeil colossal anéantit la fille formica, bébé formidable.
. . .
(texte de kouki, que je remercie Ô pas sage, et l’on peut lire ici ).

Au vent laissez danser.


La tendre entre les deux limites de la feuille,
comme sur une corde à linge,
reste mon exercice préféré.
… Des fois elle touche le sol,
de la pointe du pied
et, là, c’est Byzance.
Sur la feuille ainsi déposée,
elle peut écouter sa petite musique intérieure
… Et mes pensées.

Miss Houri.




Hier encore une très célèbre commentatrice
(dont je tairai le nom par soucis d’équité )
écrivait en substance ceci:
« … je vois plutôt une fille qui revient du bal de l’ambassadeur
et qui libère ses pieds enflés de leurs escarpins trop pointus…”

Alors je vous le demande ;
qui de miss Y Sçippi
ou de miss Souris
sera l’houri de bibi ?

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