Archive for the 'lambeaux' Category

Le petit jardin malade (II).


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Les objets continuaient de tomber, imperturbables…
Le fils, trente ans dans son scaphandre , passa étanche au monde, ramassant au passage le squelette d’un vieux dictaphone à bande dont s’échappèrent trois cafards courroucés…
Le robinet coulait son filet indifférent,
La vieille, elle, passait et repassait son torchon trempé dans la même eau saumâtre, grise et froide…
un bec de gaz soufflait, en mode veilleuse, son air nauséabond et mortifère…
Les cafards rejoignirent énervés et peureux un autre HLM en la personne d’une cassette à bande, marquée au feutre vert “Leforestier M. : maison bleue”, quinze centimètres plus loin…
Le chat a tout vu.
Lui (le fils) alla dans le frigo rempli de vivres (dépassés pour la plupart) se prendre un Coca Cola à moitié entamé…
Non light.
Normal quoi !
temps
(de sa voix chevrotante et non muée)
– M’man c’est bizarre il y a une odeur de gaz dans le couloir quand on arrive…
Qu’il dit à la vieille affairée à ses boues…
-du gaz ? t’es sûr ?… Je n’ai pourtant rien allumé moi !
à la sortie du scaphandre un deuxième bec était ouvert…
La vieille continuait de s’occuper avec son seau…
Repoussant vers les plinthes, dans les huit du mop, les restes de scories trop cuites,
chapelures eczémateuses de ce qui avait semblé de la vie normale.
Il a tout vu, lui, le chat !
Le vieux, les yeux cabillaud frit, entra traînant les pattes,
14 h., il n’était toujours pas habillé…
Elle se retourna brusquement comme saisie, le toisant elle lui lança
– vous êtes qui vous ?
(le chat sursauta dignement)
qu’est ce que vous faites dans la maison de Marcel ?…
Je ne sais pas où il est mais quand il va revenir..
Il a pris l’avion, il s’est envolé il y a longtemps…
Mon mari…
Oh ! Marcel ?
c’est toi ?
je ne t’avais pas reconnu !
oh mon dieu ma tête !
tu es mon fils… Non ! mon mari ! il est où le chat ?
Minette ? vient manger
Elle poussa une écuelle de croûtes lépreuses de ce qui voulait (encore) ressembler à un bon repas

(à suivre).

… Nous sommes le 1er juillet !

Le petit jardin malade. (I)


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De façon imperceptible d’abord
les uns après les autres
les objets tombaient
ça avait commencé comme ça :
ils ne revenaient plus à leurs places initiales.
Le sol se constellait de minuscules particules
où poussières,
copeaux d’ongles,
croûtes de fromages
côtoyaient deux cuillères tordues et un ticket de caisse…
Là un trognon de pomme séché,
ici un mouchoir en papier,
morve gris-jaunâtre figée,
comme recroquevillé sur lui même…
Plus loin un Ilford 400 HP5,
à moitié déroulé,
dont les personnages (un peu surex.)
depuis leurs fenêtres trop mal cadrées,
assistaient impuissants à la débâcle environnante.
Ce petit monde formait une trame double
redessinant la carte de la cuisine.
Le chat observait miettes, particules, objets et aliments ;
tout cela formait de si curieux dessins ainsi mélangés au carrelage.
Ce sol, dont les années ‘60 furent si friandes,
fait d’animalcules de pierres et de gravats
emprisonnés dans le béton… Vivait !
le chat en était sûr.
Sphinx immobile perturbé,
il se méfiait.
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(à suivre).

J’ai mal à la géographie.


Perdu au milieu de nulle part,
je ne savais où aller
Là c’était déjà fait
ici n’était plus à faire,
quant à partir…
Vous n’y pensez pas !
La question était simple pourtant…
A cet examen,
coincé entre l’espace ténu des méridiens et des parrallèles,
je séchais sur cet océan qui n’avait de Pacifique que le nom…
La question non plus ne l’était pas
– Placez les îles qu’il disait cet insulaire fier de ses origines créoles.
Au lieu de cela je dessinais mon arbre.

(Sous l’arbre pour Zoë qui, il y a de cela bien longtemps… Il y en a deux autres qui arrivent).

Auguste et Raphaël.

Après 35 ans d’Afrique et d’Indo l’accent était la seule chose qui les reliait au Marseilles de leur adolescence sur les voies de chemins de fer : apprentis cheminots ils s’étaient barrés vite fait pour ne plus revenir préférant, comme c’est bizarre, la mousson à cette deuxième der des ders en Europe.
En effet, Auguste et Raphaël, profondément pacifistes et lâches
(ce qui les rend parfaitement abjects et antipathiques au yeux de tous)
avaient fuit la guerre pour l’Indochine…
Puis l’Indochine pour l’Algérie.
Ensuite l’Algérie pour le Cameroun…
Et finir dans ce trou perdu de Foumban.
Beau travail.
L’un avait refait sa vie avec une « locale »,
comme on disait à l’époque,
l’autre était resté célibataire et lorsqu’une pute,
rencontrée au cinéma du coin, lui demandait comment il allait,
il répondait invariablement avec son accent du Sud :
– ça coule toujours !
avec un petit geste qui se remettait le service trois pièce en place.
Adolescent, j’aimais regarder les étoiles avec ce type.
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Comme annoncé en début d’année
ne manquez pas le rendez-vous du muguet
pourvu qu’il ne soit pas buccal…
Merci Félix, on dit.

« Aujourd’hui j’ai ramené la polio » qu’il a dit.


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Il balançait d’un pied sur l’autre
faisant toujours semblant d’être paralysé du genou gauche.
Cela tournait au cauchemar
Comment faire avaler ce canular ?
ils n’avaient donc aucun humour ces deux là ?
il voyait bien que tout cela ne rimait à rien…
Ses grands parents étaient de plus en plus inquiets,
ils gobaient TOUT ces gens !
Lui cette histoire de polio ne le faisait plus rire :
la crédulité et les visages inquiets de ces deux vieux était hallucinante ;
et eux, qu’allaient-ils dire aux parents, leurs enfants, à leur retour ?
pris à son propre piège le gaillard, debout sur le lit du salon, gambergeait sec :
continuer de mentir ou dire que c’était passé ?
une blague.
Se décider pour la première solution
ou éclater de rire et s’enfuir pour éviter la « baffe de trouille » ?
la retraite était coupée.
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