Archive for the 'Wispra' Category

Brownie reflex camera 6X6.

Crucifix au dessus du lit,
papier peint aux petits motifs bleus sur fond rosâtre.
Le tarif,
accroché à la porte,
mentait sur le standing de la chambre.
Deux repros passées au cyan depuis longtemps
donnaient une curieuse impression
aux champs de blé du batave à l’oreille coupée
vues sous-marines auxquelles ne manquaient
que des bancs de poissons en guise de corbeaux.
Sur la gauche,
façon batteur bourré
perdant le tempo,
baignoire,
bidet,
évier
et binoche scandaient en goutte à goutte irrégulier les couinements des ressorts du lit.
Le miroir ébréché de l’armoire,
piqué du tain,
renvoyait une image fêlée et vérolée du plus bel effet.
Wispra se demandait ce qui lui avait pris de la vouloir cette nuit dans un hotel de passe.
Son mec s’appliquait,
elle le notait,
ses pensées étaient ailleurs se demandant ce qu’elle pourrait tirer comme images de ce lieu.
L’autre limait toujours comme un âne.
Elle décida de s’y intéresser,
après tout,
c’est lui qui payait cette petite sauterie canaille.
L’affaire faite il fallu se rendre à l’évidence :
pas question d’imaginer que l’on ressortirait plus propre de cette salle de bain aux murs lépreux, à la faïence cariée et où la compagnie des eaux avait, depuis longtemps, rendu son tablier…
Le calcaire avait eu raison de la délicate mécanique des robinets et l’émail n’était plus qu’un souvenir.

Elle sortit le vieux Brownie reflex camera,
cadeau reçu à dix ans des mains de son père
son premier appareil photo,
lorsqu’il était enfant.
Passage de relai en somme.
.


.

Elle fit quelques six-six et deux ou trois polas.

Couleur mulot mort.

Solidaires de peur
de peur d’être seul
solitaires à deux
couleur grise
regard fixé sur cet horizon
sans surprise
des certitudes un peu tristes
des couples de trop longtemps
ils marchent
côte à côte.
Leur union « libre »
par conviction
plus très horizontale
non plus.
Rapides
faussement préoccupés,
pas s’arrêter
hésiter,
musarder
au hasard,
flâner,
non !
Ils marchent.
Les enfants ont fini leurs études à présent…
La thèse de la cadette
plus qu’une formalité.
Lambeaux de sentiments
entre eux
tristesse des gestes
dits de tendresse
n’ont plus rien des deux déchirés d’Orly
juste le moisi du mouvement.

Sur son Moleskine fraîchement offert, Wispra nota : « couleur mulot mort ».

Cette même image, en noir et blanc…

Lorsque
sous
l’eau
elle
rêvait.

Ce Genmaicha-Matcha était délicieux.

« …
Elle – Il est à toi ce livre ?
Lui – Non je l’ai trouvé ici.
Elle (demandant une cigarette) – Tu m’en donnes une ?
Lui (donnant la cigarette) – C’est notre histoire,
un peintre qui fait le portrait de sa femme
Tu veux que je continue ?
Elle – Oui
Lui – … Et, en vérité, ceux qui contemplaient le portrait
parlaient à voix basse de sa ressemblance
comme d’une puissante merveille
et comme d’une preuve non moins grande
de la puissance du peintre que de son profond amour pour celle qu’il peignait si miraculeusement bien.
Mais, à la longue, comme la besogne approchait de sa fin,
personne ne fut plus admis dans la tour,
car le peintre était devenu fou par l’ardeur de son travail
et il détournait rarement ses yeux de la toile
même pour regarder la figure de sa femme
et il ne voulait pas voir que les couleurs qu’il étalait sur la toile,
étaient tirées des joues de celle qui était assise près de lui
et quand bien des semaines furent passées
et qu’il ne restait que peu de choses à faire,
rien qu’une touche sur la bouche
et un glacis sur l’oeil
l’esprit de la dame palpitait encore comme la flamme dans le bec d’une lampe
et alors la touche fut donnée
et alors le glacis fut placé
et, pendant un moment, le peintre se tint en extase devant le travail qu’il avait travaillé
mais, une minute après, comme il contemplait encore, il trembla
et il fut frappé d’effroi
et criant d’une voix éclatante :
en vérité, c’est la vie elle même !
il se retourna brusquement pour regarder sa bien aimée…
Elle était morte. »(*)


(Sab.)


Wispra trouvait ce garçon bien étrange,
ou peut être était-ce le thé ?


(*)(Dialogue de « Vivre sa vie » de J.L. Godard).
à propos de cela, lire aussi ceci où il dit :
Quand je filme un visage il y a deux choses : Je filme ce visage parce que j’en ai besoin pour le film, mais derrière cela apparaît autre chose, le visage de l’acteur lui-même. Et le processus qui consiste à photographier ce visage. Et ça change toujours le but initial que je poursuivais dans le film.

L’attente de Wispra.


Arrêter les comètes en plein vol.

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