Archive for novembre, 2012

Six mois de ma vie pour avoir ses yeux ne fût-ce qu’une journée.

Quand il verbalise ce qu’il voit
on se dit que son dessin
sa peinture
ses monotypes
ne sont plus qu’une formalité.
Degas n’est jamais meilleur
que dans la relation épistolaire
de ce qu’il regarde,
dissèque,
analyse,
avec ses yeux.
Dans le fond,
un type qui se contentait de sa ration d’avoine,
ne pouvait pas être un mauvais homme.







Et puis, pour la bonne bouche…


Dans le fond…

Ils s’en fichaient
mais à moitié…
Ils n’étaient pas allés voter
comme des cons
préférant passer la journée au pieu
puis
regardant les actualités
avaient contemplé la défaite
du mormon face au démocrate.
Lui
sûr de ses atouts
prônait le retour à une rigueur
elle
elle savait qu’ils ne vieilliraient pas ensemble.

Cette incapacité à s’émerveiller encore de ces choses qui nous firent frémir.

La vieille Borgward allait bon train
sur la tôle ondulée reliant Lubudi à Likasi
(on disait Jadotville à l’époque)
Par la vitre grande ouverte
le petit à l’arrière ne perdait pas une miette
du spectacle des nuages.
De temps à autre
croisant d’autres voitures
ils prenaient garde à relever les vitres
la route disparaissait alors
sous la poussière volatile,
puis
la latérite traversée
elle réapparaissait
comme par enchantement.
Le môme reprenait sa lecture des cieux
s’abîmant dans la contemplation
des récits merveilleux
de la vapeur d’altitude.
les cumulonimbus
avant que de laver le ciel
de ses mirages d’histoires
déplaçaient majestueusement
leur ample tulle
comme de nobles dames
se transformant à vue
narrant
lentement
des contes d’un autre temps
au gosse
formes échevelées
d’animaux étranges
certains terrifiants
d’autres fabuleux
selon
il y voyait
mille et une histoires
dans ces imbrications gazeuses
de continents
de pays et d’îles à la dérive
de ces territoires de l’enfance
que jamais l’on ne retrouve plus tard
avec cette même acuité.



Nous roulions par cette même route d’antan
les nuages étaient là
mais ce n’était plus que le souvenir
des yeux du gosses
dont je me rappelais
celui de la route aussi
fi des histoires qu’il lisait alors
dans les nuées
ce que j’y voyais à présent
c’est que nous allions avoir une solide drache et que
les ornières
torrents de boues instantanés
allaient transformer la piste en potopote (*)
aussi glissant que du verglas
il faudrait lâcher le volant à basse vitesse
laisser la camionnette suivre son chemin
en évitant de patiner et de s’embourber.
Likasi était encore loin…
Nous n’arriverions certainement pas avant la nuit.
Je t’en fiche des histoires dans les nuages !
On allait en baver,
ça oui !!!


(*) « boue » en Swahili.

Décidément ces humains sont fous se dit-il.

Comme dans le pire des cauchemars
nous tournions en rond
dans le mur de la mort
pour le plus grand bonheur
des petits et des grands
qui riaient à gorges déployées
couverts par le vacarme assourdissant
du plancher
de la ferraille
et des machines


Ne me demandez pas si j’ai bien dormi ;
la réponse est non.
Qu’on me rende ma savane !