Archive for mars 5th, 2010

L’odeur de la fève tonka.

Les vases communiquants.
« Pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d’échange généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu’on y découvrirait de nouveaux sites… ». Ainsi sont nés les Vases Communicants, à l’initiative de François Bon.

Aujourd’hui, j’écris chez Anna de Sandre sur son blog Biffures chroniques ,
et j’accueille son texte ici.
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L’odeur de la fève tonka

J’évite la rue de la Chouette, où une vieille gosse tire en laisse un singe soyeux recousu derrière les deux oreilles. On peut l’appeler Lola, Anne-Charlotte ou pourquoi pas Mama Bouba. Son nom, son âge, elle ne s’en souvient pas depuis les Nuits des Gros Couteaux.

Elle a cassé la branche d’une famille où ça vit des mille et des cents, où ça oublie de crever et de léguer de la poudre sèche sur les pistes de glace, du zig-zag dans la course d’un monarchiste en fuite et des nuances dans le sifflet d’un mockingbird.

Elle dit pour ne pas perdre la face – après avoir déjà perdu la tête – qu’elle veut créer un autre espace Schengen, un tout petit qui respirera par des artères serrées entre les pierres des bâtiments où elle mettra de chaque côté un bar à soupe et un bar à eau, le premier Zanzi et le deuxième Cinna.

Sur sa chair ferme au grain déjà putrescible, il y a l’odeur de la fève tonka, cuite aux rayons de mille soleils.

Mille révolutions d’un astre faiblard, empêché par les arbres plantés un peu tôt de brunir sa peau, par la fenêtre de son bureau sur lequel elle gratte (il est au fond du couloir la dernière porte à droite)

Je sais que les hommes et les garçons de son ancienne maison ont tiré fort sur un drap grossier. Tous les gars de cette capitainerie suaient dessus, devant la bâtisse où elle avait passé une dernière nuit dans le faible, l’obscur et l’humide à écrire pour ne plus sentir l’odeur poisser entre les douches et les linges propres, et à tirer des lignes au stylo à défaut d’être de la lignée.

Se reconnaître par le choix d’un nom de plume, collée pleine de merde encore au cul de l’œuf d’où elle voulait sortir pour naître légale, oui légitime et officielle, et qui sait peut-être par la presse d’un imprimeur.

Tu pues, bâtarde ! (elle le savait).

La senteur de vanille était des armoiries d’une étrangère et son faux père, ses faux oncles et ses faux frères jouaient pour une nuit à passer avec elle, jouaient à reculons les poings serrés sur ce foutu drap pour gagner et l’emporter, faire un trophée de son amande et puis cracher sur son visage.

Les rares fois où je la vois, je baisse les yeux et presse le pas, car je n’ai rien fait pour qu’entre la lumière dans ces nuitées et dans son con déchiré.

Je la voulais tant moi sa bâtisse, ils m’ont dit Tu te tais (j’étais en bas), on te la vend et on disparaît.

Une fois je l’ai croisée dans cette rue de la Chouette, où (je ne sais plus qui me l’a dit) elle rêve sur ses commerces en comptant avec ses pas. En me pressant à sa hauteur, j’ai coulé un bref regard et j’ai vu ses narines frémir, parce que moi aussi, je sens la fève tonka.
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(Anna de Sandre, Biffures chroniques ).
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Voici la liste des autres participants à ces échanges de mars :
Luc Lamy & Anna de Sandre

Mariane Jaeglé & Gilles Bertin

Eric Dubois & Patricia Laranco

lignes électriques & chroniques d’une avatar

Christophe Sanchez & Yzabel

futiles et graves & Kill that Marquise

Christine Jeanney & Arnaud Maïsetti

Michel Brosseau & Juliette Mezenc

Frédérique Martin & Denis Sigur

Pierre Ménard & Anne Savelli

Juliette Zara & Kouki Rossi

Nathanaël Gobenceaux & Jean Prod’hom

Florence Noël & Lambert Savigneux

Hublots & Petite racine

Pendant le week-end & quelque(s) chose(s)

François Bon & commettre

RV.Jeanney & Paumée

Anita Navarrete Berbel & Anna Angeles

… Bonne découverte.