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Ce tour du monde.


Suspendue à sa nacelle, Rididine pouvait à présent imaginer
ce que serait ce voyage autour du monde…
Si tout va bien, je passe la chercher dans l’après-midi
à bord de mon… Non ! il n’est pas encore prêt,
vous verrez demain.
(C’est une surprise).

Juin est pas mal quand même !
… à présent, c’est un rite en début de mois,
que de faire un tour dans les éphémérides du grand père Félix.
n’oubliez jamais de regarder les étoiles.

RrroohhhH !!! j’te jure !


Ils nous ont encore fichu la même pâtée qu’hier,
Personnellement,
si tu ne le fais pas,
je vais me plaindre à la direction des ressources humaines…
-Toi évidemment ça t’es égal !…
Monsieur est toujours content avec ce qu’on lui donne…
Faut pas compter sur lui pour aller réclamer de meilleures conditions de travail
et de la salade bio une fois pour toute
avec de vraies noix de cajou dedans !

Mista Frunche (prononcer froun’tché). (II et fin).


Comme aux examens,
comme aux interros,
il dansait sur l’estrade,
sauf que là c’était de la fafa song d’Otis Redding
ou du sex machine de James Brown qu’il s’agissait.
Pendant que têtes crépues et autres séchaient sur les verbes irréguliers.
il se retournait parfois d’un coups et pointait du doigt un tricheur
puis reprenait ses trémoussements salaces,
coquetterie dans l’oeil et physique de bicyclette.
Tout cela n’avait AUCUNE importance :
il était dans la motown naissante, la soul, le funky…
Han ! han ! two times !
Les étudiants voyaient, en vrai, le défunt Kakou en black
bien avant la naissance de celui-ci sur scène
han ! one time !
… En mouvement !
what’s the day today ?
le premier que j’attrape en train de chuchoter
de papoter
de bavarder
je lui fiche un rapport


Mais non, c’était ça le principal !…
La motown naissante, la soul, le funky…
Three times now
han-han-han !!!
demi-tour sur lui même
Extraordinaire Mista Frunche !
qui adorait enseigner…
à sa façon.
et danser…
Divinement bien.

Un jour, rencontrant un de ses collègue
fort courtisé en salle de profs
par un aréopage féminin
et devant son casier,
immensément vide de tout courrier,
il constata d’une voix espiègle :
– today, no mail… Only female !
puis s’esquiva vers son cours
tout heureux de son jeu de mot.
‘acré Frunché !…
One time … Han !
Rideau, funky mista Frunché.

Si on te propose Obala, refuse ! excepté pour y rencontrer le fou.(II & fin).


.
Donc , disais-je, en dehors d’être une “charmante petite bourgade”,
Obala possédait son fou.
Et quel fou !
Celui-ci était sympathiquement bouilli :
propre sur lui, pantalon kaki légèrement trop court
sur des chaussettes dépareillées et des lacets de corde aux chaussures.
Sous un tablier blanc immaculé, de laborantin,
il arborait une chemise Haoussa brodée à l’effige d’El Hadj Ahmadou Ahidjo (le président à vie d’alors… Qui est mort depuis… Avec les honneurs de la France et tout le tralala !)
ceci achevait de lui donner l’air de sortir de son labo après une découverte capitale pour l’humanité.
Beau noir légèrement enrobé,
le bonhomme arborait une calvitie discrète renforçant son petit côté savant…
Toujours cordial, amical et chaleureux il était dans sa bulle vaquant, toute la journée, à la pente douce de sa folie.
L’homme avait passé une partie de ses études à Nantes, Bordeaux et Louvain,
puis était revenu légèrement trop cuit au pays…
La fuite des cerveaux ne le concernait plus que très peu.
Sans être obséquieux, en vous abordant, il vous entretenait de la famille royale comme s’il avait été à Laeken encore ce matin devant, sans doute, y déposer quelque chose…
A dix milles kilomètres de là le contraste était saisissant…
Croyez-moi.
Les détails sur le palais,
la vie de famille des souverains,
leurs habitudes et petites manies,
rien n’avait de secret pour lui :
il trouvait Fabiola un chouïa trop catho à son goût et son Baudouin de mari pas assez entreprenant pour la suite de la dynastie…
Il avait bien quelques idées à ce sujet,
mais, jamais la cour n’aurait voulu d’un batard café au lait pour succéder à ce souverain sensible…
Déjà que le royaume était en proie à des problèmes communautaires…
Alors un souverain nègre, vous pensez mon bon monsieur !…
Là, il faisait force signes de désolation, levant ses yeux au ciel,
éclatant d’un rire carnassier et sonore un peu trop long au goût de Devriend
Au hasard de la journée il le rencontrait et l’entretenait de la situation en Belgique…
Il avait déjeuné, au palais, avec le roi pas plus tard que ce midi et Fabiola lui avait demandé des nouvelles de monsieur Devriend…
Elle était on ne peut plus ennuyée par cet état de chose.
Vraiment cette situation ne pouvait pas durer :
cette femme, ces enfants…
Loins de leur époux et père.
Lui, Essomba Dodo-Gbendu Ignace, allait accélérer la procédure d’expatriation auprès de la cour.
Les trois gosses et cette dame (qu’il brûlait de rencontrer) rejoindraient très bientôt ce Belge si sympathique…
Et au cas où monsieur Devriend aurait eu des soucis (bien compréhensible après toutes ces émotions) il se faisait fort de « dépanner » à l’aide de son bengala (*) pas du tout mi minki (**) la femme de ce blanc épris de culture (tout comme lui) en attendant que ça lui revienne :
entre gens du monde il fallait bien s’entr’aider.
Parfois il débarquait en plein milieu d’un cours et poussait un grand :
– Vraiment ! ce n’est pas possible ! situation de crise monsieur Devriend un peu comme dans votre pays !
le regardant dans les yeux intensément, puis il tournait les talons aussi sec pour en faire part à la cour immédiatement.
L’autre continuait son cours de la façon la plus naturelle qui soit :
O, Wonder!
How many goodly creatures are there here!
How beauteous mankind is! O brave New World!
That has such people in’t!
(***).
Les chèvres repassaient en sens inverse
avec leurs bêêêhh toujours aussi dubitatifs quant à l’utilité de tout ceci,
toujours suivies par le cochon, décidé sur la troisième, celle avec une tache noire sur le côté.
Le pangolin relevait le sourcil gauche de plus en plus nerveux sur la suite de sa journée.
.
Epilogue : monsieur Devriend obtint sa mutation à Douala.
Sa femme et ses enfants l’y rejoignirent.
.
(*) : zizi.
(**) : très petit.
(***) : « O, merveille !
Combien de belles créatures vois-je ici réunies !
Que l’humanité est admirable ! O splendide Nouveau Monde
Qui compte de pareils habitants ! »

Si on te propose Obala, refuse ! excepté pour y rencontrer le fou.(I)


.
Petit poste à 40 kilomètres au nord-ouest de Yaoundé ce trou perdu comptait quelques milliers d’âmes au milieu de la forêt vierge…
Autant dire que lorsque tu tendais la main dans la nuit noire (quelle drôle d’idée !) tu serrais la louche à un pygmée ou un gorille selon ton degré de chance.
A Obala fin soixante il n’y avait que trois ou quatre blancs :
le père de la paroisse, deux soeur franciscaines
tous trois Français et … Monsieur Devriend un Belge.
Devriend, père de trois enfants (et heureux en ménage,
selon l’expression consacrée)
pour une raison inconnue, avait été « parachuté » là pour y inculquer les base de la langue de Shakespeare au lycée du bled…
Quand on dit “lycée c’est beaucoup dire : quatre méchants parallélépipèdes rectangles en dur, de la tôle en guise de toit, et suffisament de hauteur sous toiture pour se sentir cuire à fur et à mesure de la journée…
La couche d’air chaud descendait…
Les têtes chauffaient au diapason.
Pas de fenêtres mais des briques ajourées…
Pas de portes non plus (à quoi auraient-elles servi ?)
Et puis comment les chèvres auraient-elles pu passer ?
je vous le demande, restons sérieux !
elles traversaient donc la classe de part en part,
non sans avoir commenté, au passage, de bêêêÊh réprobateurs,
le cours qui s’y donnait ;
parfois elles étaient suivies par un ou deux cochons zoophiles (groïnnng!) qui flairaient la bonne aubaine.
Ce petit monde vaquait alors de l’autre côté de la classe à la recherche de petite pousses vertes et tendres ou d’une quelconque pitance sous forme de mangues ou de patates douces…
Gare au pangolin (animal par nature craintif et timide mais distrait) qui passait par là…
Le premier élève qui le voyait se précipitait dessus et sans autre forme de procès le planquait attaché sous le banc : il y aurait du pangolin grillé à la « maison » ce soir.
Monsieur Devriend continuait l’explication de « La tempête »,
sans sourciller, et se disait que soixante étudiants par classe c’était un peu beaucoup,
passionnément, à la folie…
(Sa femme devait bientôt le rejoindre avec les mômes dans cet aimable foutoir).
Imperturbable, il était, monsieur Devriend ;
pour lui, l’enfer était ici bas,
c’était de plus en plus clair.
Swinburne, Woodworth, Hemingway, Shakespeare n’étaient là que pour détourner les soupçons.
En dehors d’être une “charmante petite bourgade”,
Obala possédait son fou.

Mais l’heure passe
ma chatte réclame ses croquettes
et Rididine s’impatiente…
Je dois aller au puit reprendre de la fraîche.
Vous repassez demain, pour la suite ?

(à suivre).

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