Archive for février 17th, 2010

Une selle, un guidon… Ou l’effet Koulechov (*) expliqué simplement.

A travers les trous du châssis
la route défilait sous nos pieds
au gré des ornières
et de la tôle ondulée.
Dans le brouhaha de cette grosse camionnette
qui nous emmenait de Likasi à Kolwézi
nous étions serrés les uns contre les autres,
mes compagnons et moi.
La chaleur faisait monter
dans la carlingue du véhicule
tous les parfums d’Arabie
par vagues lentes et saccadées
jusqu’à l’écoeurement.
C’est alors que je l’aperçus
( je ne l’avais pas repérée tout de suite
honte à moi ! )…
Pourtant le wax « made in Holland » de son boubou,
lui allait merveilleusement au teint:
constellé de taches aléatoires
d’un brun-roux profond,
cette robe lui allait à ravir.
La générosité de sa croupe,
cette poitrine,
ce port altier,
au regard si doux… Ténébreux même,
lui donnaient une majesté naturelle,
un brin hautain…
Pour l’artiste que je suis,
son profil picassien
me frappa d’emblée
… Je voyais déjà la sculpture
une selle et un guidon feraient l’affaire…
Non ! déjà fait… Enfin ! je trouverais !
Une muse comme celle là
ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval,
que diable !
je me faisais confiance pour la suite.
Le grand noir efflanqué qui était visiblement son mec,
s’éloigna je ne sais trop comment.
et j’eus tôt fait de profiter de l’aubaine
pour me rapprocher et prendre langue avec elle.
Au rythme des cahots de la route
nos peaux s’effleuraient par moment,
la sienne était douce
ses fragrances suaves
… Je sentais que la demoiselle
n’était pas indifférente non plus à mes avances.
ce qui eut l’heur de m’encourager
à lui parler de ce projet de poser pour moi

… De nous faire oublier les conditions pénibles
de ce voyage qui nous menait à l’abattoir,
dans cette pauvre bétaillère brinquebalante…

. . .
(Petit conte cruel,
j’avais oublié,
encore une fois,
de vous prévenir).

(*)Pour monsieur Koulechov c’est là… Enjoy.