Mista Frunche (prononcer froun’tché). (II et fin).


Comme aux examens,
comme aux interros,
il dansait sur l’estrade,
sauf que là c’était de la fafa song d’Otis Redding
ou du sex machine de James Brown qu’il s’agissait.
Pendant que têtes crépues et autres séchaient sur les verbes irréguliers.
il se retournait parfois d’un coups et pointait du doigt un tricheur
puis reprenait ses trémoussements salaces,
coquetterie dans l’oeil et physique de bicyclette.
Tout cela n’avait AUCUNE importance :
il était dans la motown naissante, la soul, le funky…
Han ! han ! two times !
Les étudiants voyaient, en vrai, le défunt Kakou en black
bien avant la naissance de celui-ci sur scène
han ! one time !
… En mouvement !
what’s the day today ?
le premier que j’attrape en train de chuchoter
de papoter
de bavarder
je lui fiche un rapport


Mais non, c’était ça le principal !…
La motown naissante, la soul, le funky…
Three times now
han-han-han !!!
demi-tour sur lui même
Extraordinaire Mista Frunche !
qui adorait enseigner…
à sa façon.
et danser…
Divinement bien.

Un jour, rencontrant un de ses collègue
fort courtisé en salle de profs
par un aréopage féminin
et devant son casier,
immensément vide de tout courrier,
il constata d’une voix espiègle :
– today, no mail… Only female !
puis s’esquiva vers son cours
tout heureux de son jeu de mot.
‘acré Frunché !…
One time … Han !
Rideau, funky mista Frunché.

Mista Frunche (prononcer froun’tché). (I).


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Il ne parlait pas un mot de Français sauf quand il se fâchait…
C’est là que les gamins comprenaient l’étendue de sa colère…
Et du chemin à parcourir vers la langue de Shakespeare…
Des bornes à ne pas franchir… Des limites.
Sabir de français et de pidgin ordinaire
se mêlaient, alors, pour former une gangue de mots et de sons incompréhensibles
relevant de la pierre de Rosette ;
il était fort colère.
Pourtant, avec lui, chaque cours commençait en chanson.
Scandées par cinquante paires de poumons
debout-fixes à côté du banc
en canon sur les trois ou quatre rangées que comptait la classe.
ça faisait bizarre pour les Fentreny, Dubourdieu et autres Dupond(t),
disséminés à deux ou trois dans ces classes surchauffées
aux senteurs de poissons fumés,
de chanter dans un yaourt approximatif :
This is the name of my native land
I spell it out of eight letters
C stand for Cam, A stand for and, M stand for meat, E stand for E, R stand for romance, O stand for over (bis), N stand for night…
C-A-M-E-R-O-O-N
Cam-and-meet-Romance-over-night (bis)

Puis il reprennait en fond, seul :
a band of angels coming over me
Sim ! sim ! and carry me home
And I look about the jordan
what could I see
Sim ! sim ! to carry me home…
Shoo shoo baby baby…

Puis se mettait à danser sur l’estrade

(à suivre ).