Archive for mars 26th, 2017

Le monsieur et son curieux appareil.

Petit à petit,
dans sa famille d’adoption,
de substitution,
si vous préférez,
il était parvenu à se (re)faire
discrètement
un album souvenir
grandeur nature
de son autre famille,
la vraie !
Du moins de ce dont il se souvenait ;
celle où son grand-père avait une place de choix,
souvent il allait à la pêche avec lui
grand-père lui racontait des histoires à dormir debout
mais il adorait y croire tant c’était merveilleux et terrible à la fois.
Et puis, il y avait sa mère
veillant sur sa petite sœur qui venait de naître
après le départ du paternel
et sa grande demi-sœur
qui venait à la maison aux fêtes et aux grandes vacances
et qui était aussi belle que sur la photo
elle apportait des chocolats de la ville,
de Los Angeles où elle travaillait dans un bar,
quelle chance ils avaient, les clients !
C’est vrai qu’elle ressemblait à un ange.
Puis, il y avait Youlou,
son chien
(qu’il adorait plus que tout)
et qui n’avait pas son pareil pour courser les lapins
sans oublier Blanchette,
sa vache,
bien sûr,
qu’il menait à la prairie.

De son père,
il parlait très peu…
Il avait disparu un soir,
une histoire de cigarettes.
« Ici quand tout vous abandonne
On se fabrique une famille »
comme disait l’autre.

Le monsieur était venu très tôt le matin
pour avoir un « éclairage rasant » qu’il avait dit,
lui,
il pouvait se mettre où il voulait,
alors il s’était posé là,
sur la chaise,
un peu en retrait,
derrière le buffet où étaient rangées ses affaires
et l’adresse de sa sœur.
Le monsieur faisait le reste,
avec son appareil.


Walker Evans (American, 1903-1975), West Virginia Living Room, 1935
West-Virginia Living-room 1935
Walker Evans
(American 1903-1975)