Archive for the 'insectes' Category

La chienne de Wispra.

Il suffisait de la regarder faire
pour savoir que c’était un bon chien-chien-ça.
Ou plutôt une chienne.
J’ai rarement observé un animal dit « domestique »
s’amuser avec autant de plaisir
et de simplicité,
comme un gosse,
adorant nager,
gambader,
batifoler
en toute liberté ;
je veux dire sans ramener la ba-balle à sa maman,
non !
Après avoir nagé de long en large pendant une heure
à faire peur aux poissons
à déranger nèpes et araignées d’eau
à faire fuir les petits serpents
puis à s’ébrouer sur l’autre rive
surveillant les autres chiens
occupés à chercher la ba-balle
eux…
Elle,
non.
Elle était là,
avec son projet…
Son rangement de cailloux de la rivière
sa seule préoccupation,
faire un barrage sur le petit cours d’eau.
En toute indépendance
jusqu’à épuisement
faisant corps avec l’eau
son second élément.
Sa fête…
Et elle se fichait,
comme de son premier no-nosse,
d’être filmée.



La chienne de Wispra ? Comme un guide de son âme.

Esther.


………..

Affublée du syndrome de Tourette
jurant toute la bible
il craqua sur Esther.
Tentant une approche
timide et maladroite
il lui dit :
ils sont saints tes tics.
Elle répondit Merc(k)i
car elle était polie Esther

Comme un papillon dans la tête… Mais à contre-jour.

C’est ça
d’un seul coup
d’un seul
tout lui revient
un bouquet d’immortelles
des roses
sont sur le sol
il les range sur le guéridon
passe au salon
le grand chien
un Danois
se lève et sort
par le côté droit de la baie vitrée
pour aboyer vers un inconnu au loin
échalas dégingandé
Thierry s’avance vers lui
lui tend un livre cartonné
précieux
il vient d’éteindre l’ordinateur
plusieurs fois
dans la semi-pénombre
il feuillette l’ouvrage avec précaution
s’émerveillant des pages monochromes qui se succèdent
d’invisibles et précieuses ciselures
à l’œil nu
lorsqu’il tourne les pages
déploient des popup abstraits
sabine est là aussi
elle habite la maison désormais
elle vient vers lui pour signifier
qu’il faut faire les valises
maintenant
et changer d’île sous peu
en tout cas,
le bébé était transparent au fond du couffin
ça
il s’en souvient très clairement
l’homme en haut de forme explique à un ami que ce n’est pas grave
ils sont beaux tous les deux
à contre-jour
mangeant du céleri en branche
et se frottant le pied gauche
à présent la lame de fond les dépose sur le côté de la grande forêt
avec douceur
et tous ensemble ils rentrent dans la grande cabane du bord de rivière
c’est à ce moment qu’il entend cette voix lui dire avec insistance
Quatre-vingt-treize moins sept,
quatre-vingt-treize moins sept…
sa fille le regarde avec insistance,
tenant sa main,
pauvre main…
Papier, pantoufle, ciseaux,
ça ne voulait déjà rien dire pourtant ?
Le rêve revient avec persistance,
tous les rêves qu’il a fait,
du plus loin qu’il se souvienne
tous les rêves reviennent
il ne peut plus contenir ces flots d’images et de couleurs qui l’envahissent…
Quatre-vingt-six comme dans un songe
Bien !
Quatre-vingt-six moins sept…
Il remet ça.
Mais que lui veut cet homme en blanc ?
Si bon et à contre-jour lui aussi.
Peut-être qu’il a du céleri, lui aussi
Quatre-vingt-six moins sept…
Il insiste.
Soixante-dix-huit, mais il le garde pour lui,
il va lui dire soixante-dix-neuf…
Pour blaguer !
Bien sûr qu’il se souvient quel jour nous sommes
et où ils se trouvent.
Ils sont dans la grande maison !
La grande maison des parents.
Maman ne va pas tarder
il y aura de la tarte aux groseilles du Cap.
Papa reviendra bientôt du travail .
Après on jouera…
Oui,
on jouera.


(… A sa mémoire)

Les vertiges du (petit) jour ou la drôle de mégapole.



Au milieu du tintamarre des cigales
chardons et liserons se disputent
pour y faire des manières de jardins suspendus
laissant place à de vastes espaces aérés
entre buildings hélicoïdaux et
voies de communications vétustes.
Pendant que
deux ou trois punaises gendarmes
surveillent
les fourmis
elles
sont au turbin
déjà.
Dans cette drôle de Babylone
aux nombreux points d’accroches
quelques araignées
trop contentes d’ajouter leur grain de sel
s’affairent à l’édifice rouillé
de la précaire structure
comme pour retisser
ces entrelacs de liens
qui leur avaient manqué
à l’époque.
Ponts de cordes
et bouts de ficelles
interposés au hasard des nœuds
entre les fibres du bois
et l’oxyde du métal
attestent d’une vie
ici
il y a quelques années de cela.

De matelas
il n’y en a plus
depuis longtemps.
Reste ce sommier 3/4
vestige de ces amours
où ils la conçurent.

Phrases muettes
maudits mots rengorgés
avec l’anathème pour thème
– Anna t’aime ?
T’aime plus !
Gnagnagna !
Dans le résumé
ainsi dit
post-mortem
c’en était ridicule.

Dix heures,
le soleil consent à passer par dessus la colline
écrasant tout contraste sur la frêle cité.
Il ne tardera pas à faire chaud.

Wispra range le reflex dans sa housse
et continue son périple
à travers ce champ de ruines
qu’est devenue la propriété parentale.






Avec elle, pas question de tarentelle.

Du plus loin qu’elle se souvienne
c’est de ça dont elle rêvait :
l’architecture.
Ses parents (la mère dentellière, le père tisserand)
des gens ordinaires dénués d’ambitions,
ne l’avaient jamais encouragée,
que du contraire !
La petite avait fait mille métiers pour payer ses études
« Ch’ais l’y faire » disait-elle avec son accent du Nord…
(petit défaut qu’elle oublierait par la suite,
chaque chose en son temps,
n’est ce pas ?)
Ne rechignant sur aucun petit boulot,
toujours à la tâche telle une Parque
des petits turbins à trois francs six sous,
pour payer l’école.
Point de tarentelle
et encore moins de bagatelles
pour la donzelle
durant cette période studieuse.
Ses chers syllabus avant tout !
Résistance des matériaux,
flexibilité du béton,
isolation… Bref, de l’architecture, quoi !

Ici, trois points de suspension indiquent que l’auteur de ces lignes,
rechigne à décrire une grande partie de la vie de cette bâtisseuse
qui connu un succès d’estime grâce à ses grands ensembles architecturaux
faits de câbles, d’acier et de verre
où la transparence le disputait à la légèreté,
la souplesse et l’élégance des lignes.
Elle installa ses parents dans un superbe appartement avec vue sur la tour Eiffel :
il leur fallait se rendre à l’évidence, leur fille avait une situation.
Trois petits points, donc.
(Et puis, c’est pas pour dire,
l’océan attend l’auteur pour lui sculpter le corps à la vague, aux embruns et aux vents)


Le terrain encore abordable dans la région,
les gens sympathiques et le temps clément
avaient achevé de la convaincre de tisser sa toile
dans ce pays.
« Borne Toulouse » se dit-elle,
car elle ne manquait pas d’humour.
Ce petit arbuste dans le Gers,
elle l’avait bien mérité ;
d’où elle était,
les contreforts des Pyrénées,
pouvaient s’apercevoir et
pendant les heures chaudes de la mi-journée,
elle jouissait de l’ombre d’un grand chêne proxime et centenaire.
A quelques mètres de là un point d’eau assurait de quelques libellules, nèpes et moustiques.
Attendre tranquillement le moucheron bigleux ou l’imprudent papillon qui agrémenteraient son repas,
telles étaient désormais ses principales ambitions de la journée.
Ce soir, après le dîner, elle se repasserait sans doute les aventures de son héros préféré : Spiderman.




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